vendredi 18 mai 2012


Pour informer les salariés, un minimum s'impose...

Décryptage de l'arrêt Vivéo

par Pierre Bailly, magistrat à la Cour de cassation

Interrogé par la rédaction de Liaisons Sociales Quotidien sur la motivation et la portée de l’arrêt Vivéo du 3 mai, Pierre Bailly, conseiller doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, estime que seul le législateur pourrait étendre le champ de la réintégration aux cas où la cause économique du licenciement n’est pas établie.
La jurisprudence de la Cour laissait-elle présager la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Paris ?
Pierre Bailly : Cette affaire posait la double question de l’étendue du contrôle que peut exercer le juge lorsqu’il est saisi d’une contestation portant sur la valeur du plan de sauvegarde de l’emploi mis en place en prévision de licenciements collectifs pour motif économique et de la conséquence qui s’attache à une absence éventuelle de cause économique propre à justifier ce projet.
Or, à cet égard, la chambre sociale a toujours fait une différence entre, d’une part, le contrôle de la valeur d’un plan social au regard des exigences de l’article L. 1233-61 du Code du travail, qui peut entraîner l’annulation de la procédure de licenciement, et des licenciements eux-mêmes et, d’autre part, la vérification de la cause économique du licenciement, dont l’absence ouvre droit à l’indemnisation prévue par l’article L. 1235-3 de ce code (Cass. soc., 12 novembre 1996, n° 94-21.994).
C’est ce que disait déjà un arrêt, parmi d’autres : « Il n’appartient pas au juge saisi d’une demande d’annulation du plan social en raison de son insuffisance ou d’irrégularités affectant la procédure de consultation de vérifier ou d’apprécier dans le cadre de cette action les motifs économiques invoqués par l’employeur » (Cass. soc., 25 octobre 2006, n° 04-19.845).
Autrement dit, pour la chambre sociale, le contrôle de la validité du plan de sauvegarde de l’emploi est distinct de l’appréciation que le juge peut porter sur la cause du licenciement.
En quoi les textes s’opposaient-ils à l’extension de la sanction de la nullité en l’absence de cause économique ?
Pierre Bailly : Cette position trouve son fondement dans le choix fait, en 1993, par le législateur de ne sanctionner des licenciements économiques par la nullité qu’en cas d’absence de plan, situation à laquelle la jurisprudence a assimilé ensuite l’insuffisance du plan social (Cass. soc., 11 janvier 2007, n° 05-10.350). Cette approche restrictive de la nullité du licenciement pour motif économique a été ensuite confirmée par les lois du 17 janvier 2002 et du 18 janvier 2005, et l’actuel article L. 1235-11 du Code du travail rappelle ainsi que la réintégration de salariés licenciés pour motif économique n’est possible que lorsque la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions du 1er alinéa de l’article L. 1235-10, lequel réserve cette nullité à la seule absence de plan de reclassement. Il faut y voir une conséquence de l’importance qui était alors accordée au plan social, comme moyen privilégié d’éviter des licenciements ou d’en réduire le nombre, à la faveur des mesures de reclassement qu’il doit contenir.
La nullité liée à l’absence de cause économique ne pouvait-elle pas être déduite de l’esprit de la loi ?
Pierre Bailly : Pour contourner cette limitation légale du champ de la nullité, la cour d’appel de Paris avait d’abord retenu qu’en sanctionnant par la nullité l’absence de plan social, le législateur avait nécessairement entendu permettre l’annulation d’une procédure de licenciement mise en œuvre sans qu’il existe de cause économique.
Elle a aussi considéré qu’une absence de cause économique prive d’effet une telle procédure, conduite en dehors de la situation voulue par la loi et à ce titre illicite.
Cependant, cette orientation audacieuse se heurte à la volonté du législateur telle qu’il l’a exprimée dans la loi. Celle-ci est en effet le résultat d’un arbitrage entre la liberté d’entreprendre et le droit à l’emploi, et dans sa décision du 12 janvier 2002 , relative à la loi de modernisation sociale, le Conseil constitutionnel, pour écarter le grief d’inconstitutionnalité adressé à une disposition qui obligeait l’employeur à conclure un accord de réduction du temps de travail avant d’établir un PSE, a relevé que le champ de la nullité du licenciement et de la réintégration en résultant était légalement limité à la seule absence de plan, en l’absence de disposition expresse étendant le domaine de cette nullité. En se référant à la nécessité pour l’employeur de respecter les prescriptions légales, la cour d’appel entendait peut-être faire référence à une cause illicite constituée par l’établissement d’un plan sans qu’une raison économique le justifie. Mais une telle approche devrait alors entraîner aussi la nullité de tous les licenciements dépourvus de cause réelle, alors que tel n’est pas le choix du législateur, à la différence des dispositions retenues dans d’autres législations étrangères.
Le droit à réintégration est donc subordonné à une modification législative ?
Pierre Bailly : On sait en effet que, hors absence ou insuffisance du PSE, l’absence de cause économique de licenciement n’est légalement sanctionnée que par l’allocation de dommages-intérêts. Seul le législateur pourrait donc, à l’instar de ce qui existe dans d’autres législations étrangères, étendre le champ de la réintégration aux cas où la cause économique du licenciement n’est pas établie.
Liaisons Sociales Quotidien, 07/05/2012

dimanche 13 mai 2012


Pentecôte: ce qu’il faut retenir.


- le lundi de Pentecôte est maintenant chômé par quatre salariés sur cinq. (Il faut rappeler que la taxe Pentecôte ne concernait que les salariés, qui étaient donc censés payer les maisons de retraite des grands parents des députés, non concernés par cette taxe, par exemple.) Selon un sondage IFOP, seuls 18% des salariés du privé et 16% des salariés du public ont déclaré qu'ils travailleraient lundi 24 mai 2010, contre respectivement 43% et 44% en 2005. Pour l'ensemble des actifs disposant d'un emploi, le taux d'activité sera de 20% lundi, contre 44% il y a cinq ans.
- l’argent de la taxe ne revient pas en totalité aux personnes âgées. Le CAL a été parmi les premiers à dénoncer le jeu de vases communicants joué entre la CNSA et la Sécu : à l’engagement du premier a correspondu dès la première année le désengagement du second. L’étendue des missions de la CNSA a augmenté l’opacité de l’affectation des fonds. Tout récemment (mai 2010), Laurence Dumont, présidente de la mission d'enquête sur les fonds du lundi de Pentecôte, a lancé un nouveau pavé dans la mare en affirmant que « la sanctuarisation des fonds promise par Jean-Pierre Raffarin n'a pas été respectée » et qu’une partie des sommes collectées est utilisée à d'autres fins. 150 millions d'euros auraient ainsi servi à colmater le trou de la Sécurité sociale en 2009.
- la prise en charge de la dépendance n’est toujours pas abordée. Nicolas Sarkozy, qui avait fait de ce point un des arguments de sa campagne présidentielle, avait annoncé que ce dossier ferait l'objet d'un projet de loi dès 2008. Mais au début de l’année 2010, il a indiqué qu'il ne serait abordé qu'une fois la réforme des retraites achevée. Face aux manques qui s’annoncent, certains plaident déjà pour une seconde journée dite “de solidarité” (les élus de droite de l'Association des départements de France (ADF), réunis à Chartres ce 26 mai 2010).
- la journée dite “de solidarité” n’est en fait qu’une nouvelle taxe sur les salaires : que les salariés travaillent ou pas, la taxe est perçue par l’Etat, ce qu’explique bien Joseph Thouvenel, de la CFTC.